L’art à vif de Didier Meynard,
«Des allures de chaos aux sièges de pouvoirs»
Dans l’impossible et dans l’impensable, errent à vif les êtres peints de Didier Meynard. Vêtus d’espace, ils sont faits de tâches, de flaques, de trames, et de sillages. Partiels, hagards, fantômatiques et indestructibles, ils habitent l’immensité. Ils traversent l’étendue, et l’étendue les traverse. Passant tous les lieux, ils n’ont pas de lieu pour exister, sinon celui de la haute peinture. Ils correspondent chacun à un état précaire et métamorphique, infime et fragile. Ils seront sans doute détruits à l’instant de leur apparition, car ils sont sans assise. La plénitude sert de repoussoir aux lacunaires, quand ils s’abandonnent à l’infini de leurs manques. Ils ont perdu tous leurs appuis dans des demeures carcérales, dans des allures de chaos, dans une somptuosité verticale. Ainsi la peinture, chargée de mystère et de non-dit, de sens et de non-sens, de sensibilité souterraine et de signes aventureux, est un miroir d’existence plus réel et plus vrai que l’apparence mal vécue des choses.
Didier Meynard fouille littéralement l’éclatement de l’être dans une peinture allusive et subtile, poignante et décalée, toujours à risques élevés. On dirait une aventure des confins, un lâcher-prise dans la fin des limites, une âpre plongée dans l’underground mental.
Cà et là des traces dures de secrètes meurtrissures, des brûlures à questions vitales, et des jetées de vide. Au sein d’une chromatique inventive et mouvante, audacieuse et pudique.
Les implacables sièges de pouvoir de Didier Meynard, peintures de combat, ou terribles objets terriblement peints, sont vide d’amour et de présence. Ils saignent parfois d’art et de silence. Ils abiment les mauvais pouvoirs, car chaque siège instaure un drame sourd, sacre une détresse passée, et marque une farce sinistre. Chaque siège installe un personnage mortel et mortifère, bourreau hautain et pantin dérisoire. Chaque siège est une fatale scénographie, au tragique destin.
Didier Meynard disloque le va-de-soi pictural. Sa peinture aigüe, graphique et vive, naît des soubassements pré-verbaux, et creuse une écriture sauvage de la défiguration, pour que ne disparaissent jamais l’énigme de l’existence et l’impossibilité d’être comme les autres, même de loin. Ses créations chargées sont les figures éphémères, inattendues et surgissantes, d’un ailleurs toujours présent, et d’un réel toujours en perdition. Meynard ose s’y perdre.
Il a aussi le sens de la distance. Il sait mettre l’ego à l’horizon de l’affect ordinaire, et de la création attendue. Ainsi l’art gagne un solide récalcitrant, et un très beau peintre.
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Christian Noorbergen
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Préface du catalogue de l'exposition au Château de Carrouges (Orne) 2013